Publié le jeu 24/09/2020 - 09:45

Interconnexion d’ISP

C’est Belnet, le réseau belge de la recherche et l’éducation, qui mettra en place le premier nœud d’interconnexion en Belgique. A l’époque, l’Internet en était à ses balbutiements. Les coûts des connexions internationales étaient très élevés car le trafic devait passer par l’étranger puisque les fournisseurs d’accès à Internet (ISP) étaient internationaux, pour revenir ensuite en Belgique. « Cela avait un double effet », se souvient Pierre Bruyère, longtemps directeur de Belnet. « D’abord, cela coûtait cher puisque la bande passante internationale était utilisée alors que le trafic restait en Belgique. De plus, comme les coûts étaient très élevés, les bandes passantes n’étaient pas très importantes et on saturait nos liaisons internationales pour du trafic qui était purement belge. »

D’où l’initiative prise en 1995 par Belnet de créer BNIX, un point d’interconnexion Internet belge. Jusqu’alors, les connexions Internet faisaient l’objet d’accords bilatéraux: un opérateur avec un autre opérateur. Cela ne posait évidemment aucun problème lorsqu’il n’y avait que trois opérateurs puisqu’il suffisait de trois lignes. Mais avec dix opérateurs, il aurait fallu des centaines d’interconnexions. « C’est alors que les fournisseurs d’accès de l’époque se tournent vers Belnet en tant qu’institution gouvernementale neutre sans objectif commercial et pionnier de l’Internet dans notre pays pour développer le premier BNIX ou Belgian National Internet Exchange. L’idée est venue assez naturellement et même si elle n’était pas exactement en ligne avec la mission de base de Belnet, il y avait un intérêt à la fois pour Belnet et pour l’ensemble de la société puisque cela permettait de diminuer les coûts de connexion Internet pour tout le monde », précise Pierre Bruyère.

Technologie éprouvée

En pratique, l’interconnexion entre les ISP s’appuyait sur une technologie relativement simple, à savoir des routeurs installés sur le backbone de Belnet. « Au départ, nous avons d’ailleurs réutilisé un ancien routeur qui était sur notre backbone et nous l’avons placé dans l’une de nos salles pour interconnecter ainsi les premiers ISP », rappelle Pierre Bruyère. Il s’agissait plus précisément d’un ancien routeur de type Cisco AGS+ dont la bande passante maximale s’élevait à 20 (!) Mbit/s. Ce routeur disposait de 8 portes, ce qui limitait donc le nombre de participants.

Il faut dire qu’à l’époque, il n’existait que peu de sites commerciaux, ni Google, ni Facebook, ni Twitter n’avaient encore vu le jour. Il s’agissait surtout de sites informatifs, tandis qu’une grande partie du web était formé par les universités.

Volet commercial

Si, dans un premier temps, le BNIX opérait sur une base gratuite, chacun payant sa propre connexion vers le BNIX, un modèle commercial a progressivement été développé afin de rendre le fonctionnement plus viable. « L’objectif était de générer suffisamment d’argent pour acheter du matériel et engager du personnel pour permettre d’opérer le BNIX et de continuer à le développer », poursuit Pierre Bruyère. Qui précise encore qu’au début, il n’y avait que 6 participants, contre 58 aujourd’hui.

Très rapidement, le nombre d’utilisateurs du BNIX augmente et plusieurs acteurs de premier plan, parmi lesquels Belgacom (désormais Proximus) s’intéressent au projet. Au point qu’en 1996, toutes les portes étaient occupées et que de nouvelles demandes ont dû être refusées dans l’attente d’une mise à niveau vers le commutateur ethernet de type 3Com avec 32 portes et une bande passante de 100 Mbit/s par porte.

A partir de ce moment-là, l’offre de services s’est professionnalisée, cependant, « on voulait absolument éviter d’être dans une situation où BNIX ne s’adresserait qu’aux grands clients qui ont de toute façon des capacités internationales importantes et peuvent s’interconnecter à différents endroits. Pour les plus petits acteurs, être sur BNIX était une façon de se rapprocher de leur communauté d’utilisateurs », analyse encore Pierre Bruyère.

Et de rappeler cette anecdote liée aux événements du 11 septembre à New York. « A l’époque, on a pris connaissance de l’évènement à cause des perturbations de l’Internet. Au début pourtant, on pensait que c’était le BNIX qui avait un problème. C’est en investiguant les causes du problème que nous nous sommes aperçus que c’étaient les connexions vers les Etats-Unis qui étaient perturbées. Or c’était un IX américain installé sous les tours du World Trade Center qui était tombé, impactant l’ensemble de l’Internet mondial, et donc aussi la Belgique. Peu après, quand on a regardé les informations, on a vu les premières images sur CNN montrant que les tours du World Trade Center avaient malheureusement été attaquées. »

Evolution

Ces dernières années, les IX ont dû se réinventer car les coûts de transit ont fortement baissé. La raison d’être connecté à un IX en Belgique reste l’ancrage local, qui permet aux acteurs belges de s’interconnecter entre eux et de pouvoir accéder localement aux grands fournisseurs de contenu internationaux. « L’idée d’être le plus ouvert possible et le plus accessible possible pour les partenaires belges », synthétise Pierre Bruyère.

BNIX mise également sur la poursuite de la professionnalisation de ses services. « Contrairement à ce qui se passait voici 25 ans, plus personne n’accepte aujourd’hui des interruptions de service de plusieurs heures », note Pierre Bruyère. Dès lors, BNIX ambitionne une disponibilité de 100%. « Il faut évidemment que l’on suive l’évolution technologique de façon à pouvoir fournir le meilleur service aux utilisateurs. »

Et demain? 

Désormais, BNIX supporte des débits très importants et a même connu une pointe à 423 Gbit/s durant la période de confinement. Pour faire face à de tels flux, BNIX continue à investir massivement dans la technologie et se prépare notamment à poursuivre l’extension de sa plateforme dans le cadre d’un nouveau modèle opérationnel. « Notre plateforme actuelle est opérationnelle depuis 2016 et dispose encore de suffisamment de capacité, mais nous restons proactifs et allons de l’avant, sachant que les flux de données continueront à augmenter dans les prochaines années », conclut Pierre Bruyère.

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